Pour Van Overtveldt, les dossiers s’accumulent
Le nationaliste flamand est accusé d’avoir surestimé les recettes budgétaires. Catalogue des réformes annoncées, dont aucune n’a encore abouti.
Rhabillé pour la fin de l’hiver, Johan Van Overtveldt (N-VA). Jeudi en séance plénière de la Chambre, Eric Van Rompuy (CD&V) a taillé un costume au ministre des Finances, imité ce samedi par Wouter Beke, président du CD&V, dans les colonnes du Morgen . « Bien sûr, ce ministre des Finances a fait bon nombre de propositions pour de meilleures recettes, mais il apparaît qu’elles plafonnent ou qu’elles sont moindres que prévu. Est-ce que quelqu’un a encore entendu parler des recettes de la taxe carat ? Où en est-on avec la régularisation fiscale ? Ou avec la taxe sur la spéculation dans laquelle il dit ne plus croire ? Est-ce que c’est encore crédible ? »
Bron: Le Soir
Le partenaire chrétien-démocrate reproche au ministrenationaliste flamand une surestimation des recettes budgétaires qui a conduit la Belgique au-delà du déficit budgétaire enregistré sous le gouvernement précédent(2,9 % actuellement pour 2,5 % sous Di Rupo). Si le vice-Premier ministre Jan Jambon (N-VA) a pris dimanche la défense de son collègue – « Je ne comprends pas très bien que l’on joue ainsi l’homme qui est apprécié par tous parce qu’il fait du bon travail », a-t-il déclaré sur VTM –, il faut reconnaître que le ministre des Finances accumule les dossiers sur le feu. Et aucune des réformes mijotées par ses soins ne semble prête à sortir de la cuisine. Petit aperçu de ces plats qui sentent, peu ou pas encore, le brûlé.
1 Horeca. Le 22 décembre dernier, le gouvernement a revu sa copie concernant l’imposition de la caisse intelligente dans l’horeca. Il s’agissait de contrer l’arrêt du Conseil d’Etat estimant que le critère des 10 % de chiffre d’affaires réalisés en servant des repas était discriminant. La nouvelle loi prévoit donc que les établissements enregistrant au moins 25.000 euros de recettes annuelles via la vente de plats préparés s’équipent du système de caisse enregistreuse (SCE). Six semaines plus tard, les arrêtés royaux d’application permettant à la nouvelle réglementation d’entrer en vigueur ne sont toujours pas sortis. Malgré nos demandes, aucune explication du cabinet n’est venue éclairer ce retard.
2 Tax shift. « Le tax shift est financé jusqu’en 2018 » ,assure le cabinet du ministre des Finances. Une déclaration qui va à l’encontre de l’estimation poséepar sa consœur du Budget, peu après sa prise de fonction. Sophie Wilmès (MR) évaluait le trou à combler à quelque 2 milliards. « Selon la ministre du Budget, il manque 3,2 milliards, avance Ahmed Laaouej (PS), auxquels j’ajoute 2 milliards de recettesqui me semblent farfelues. » Selon les derniers chiffres publiés par la Banque nationale, ce sont au moins 6 milliards qu’il faudrait dégager d’ici à 2018. Ce serait même 7 milliards, selon Eric Van Rompuy. Car si les réductions d’impôts sont chiffrées, il semble que lesmesures destinées à les compenser aient été surévaluées. « Le dernier inventaire
fiscal de décembre 2015 n’a pas été publié, déplore Georges Gilkinet (Ecolo). On navigue à vue. » Et le parlementaire vert de citer la taxe caïman, dont les recettes ont été surestimées. « Il se base sur les avoirs des citoyens belges dans les paradis fiscaux en pensant que tous demanderont à être régularisés. » « Le rendement estimé est trois fois supérieur aux prévisions de départ, qui le situaient à 120 millions », constate pour sa part Ahmed Laaouej. « Johan Van Overtveldt ne donne pas l’impression d’être un ministre des Finances rigoureux qui veut que les recettes fiscales soient assurées, conclut Georges Gilkinet. Le bilan n’est pas bon. »
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Régularisation fiscale. Plusieurs aspects de la régularisation fiscale semblent problématiques. D’une part, cette opération de régularisation des avoirs cachés à l’étranger par des contribuables belges nécessite un accord des Régions, compétentes pour certains aspects de la régularisation (les droits de succession, par exemple).
« Il y a 250 millions prévus au budget 2016,
rappelle Eric Van Rompuy.
Et si on n’obtient pas la loi sur la régularisation fiscale, il sera difficile d’introduire la taxe caïman sur les comptes détenus à l’étranger. »
Par ailleurs, une circulaire de l’Inspection spéciale des impôts recommandait de généraliser une taxation moins sévère pour les contribuables déclarant tardivement des avoirs dissimulés au fisc. L’auditeur du Conseil d’Etat a eu l’occasion d’exprimer, voici un mois, tout le mal qu’il pensait de celle-ci. Si le Conseil d’Etat le suit, la circulaire sera suspendue et la taxation appliquée sera celle prévue par la loi. Voilà qui pourrait devenir gênant.
« Il y a plus de 1.200 dossiers liés à la circulaire de l’ISI,
évalue Ahmed Laaouej.
Et ce n’est pas faute d’avoir averti le ministre en séance plénière de la Chambre par rapport au risque de couvrir cette circulaire qui risquait fort d’être déclarée illégale. »
Reconnaissons toutefois à Johan Van Overtveldt qu’en cette matière, rien ne sert de devancer un éventuel arrêt du Conseil d’Etat. Il lui suffira d’être prêt le moment venu.
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Lutte contre la fraude. En décembre, le ministre était venu en commission des Finances présenter son plan de lutte contre la fraude fiscale. A la lecture de celui-ci, l’opposition n’avait pas caché son étonnement devant certaines audaces tenues sous la plume d’un ministre catalogué comme très libéral. Puis, les députés avaient découvert que la copie qui leur était soumise n’avait pas reçu l’aval de l’ensemble du gouvernement. Autant débattre de la qualité d’une tarte alors que la pâte est en pleine préparation. Bref, le ministre avait été prié de soumettre préalablement le texte à ses partenaires de majorité. Depuis, le document a disparu des écrans radars. Un retard gênant pour le gouvernement et la N-VA en particulier, laquelle a déjà gaspillé pas mal de temps avec la désignation puis le remplacement d’Elke Sleurs.
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Excess Profit Ruling.
« Nous avons lancé la procédure de désignation du bureau d’avocats qui devra nous conseiller sur ce dossier »,
annonçait-on jeudi au cabinet du ministre des Finances. La Belgique a été condamnée par la Commission européenne, le 11 janvier dernier, pour son système d’exonération fiscale favorable aux filiales de multinationales. Mais ce vendredi, Johan Van Overtveldt s’est enfin décidé à clarifier la position de la Belgique dans ce dossier : la Belgique ne se conformera pas à la décision de la Commission (réclamer les 700 millions d’exonérations octroyées à trente-six entreprises) et ira en appel devant la Cour européenne de Justice. Une position attendue par la FEB, laquelle l’avait fait savoir en fin de semaine au travers d’un communiqué limpide. Une décision éminemment politique, car si la Belgique dispose d’arguments pour défendre sa position, elle prend aussi l’option de renoncer à 700 millions en période de disette budgétaire, au profit de multinationales. Tant sur le plan judiciaire que politique, le ministre va donc devoir monter au front pour défendre la ligne de la majorité.
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L’Isoc. Le week-end dernier, Johan Van Overtveldt avait surpris ses partenaires par une sortie médiatique sur l’impôt des sociétés. Une sortie diversement appréciée dans les rangs de la suédoise. Car si l’Open Vld, par l’entremise de Luk Van Biesen, a encouragé le ministre des Finances à mettre en place un régime
« clair, transparent, transversal »,
le CD&V y a vu une opportunité d’attaquer une N-VA qui reste sa cible en Flandre.
« Annoncer une telle réforme sans qu’on sache de quel type d’impôt des sociétés il s’agit et sans qu’on sache ce qu’entend le gouvernement, c’est risqué »,
a prévenu Eric Van Rompuy lors de la commission Finances du Parlement, qu’il préside. Et l’opposition de surenchérir sur le mode de l’ironie :
« 6 milliards à combler pour le tax shift, 1 milliard à trouver lors du contrôle budgétaire de mars, la réforme de l’impôt des sociétés qui pourrait coûter 3,5 milliards selon le Conseil supérieur des finances »,
a énuméré Dirk Van der Maelen (SP.A). Et d’ainsi remettre en cause la propension du grand argentier de l’Etat fédéral à dépenser sans compter. Ou plutôt, en comptant trop sur des recettes incertaines.